jeudi

Juste un baiser

Hier, ce passage là était vraiment bien.

Un boulevard du XIéme.J'avance, musique en tête, pensive. Le cœur des Hommes.
Je l'ai croisé.L'inconnu. La tête ailleurs.
Il s'est approché, maladroit, à ma hauteur : «Vous auriez une cigarette?» «Bien sûr. Sers-toi.»
Il m'observe. Silence. Il s'éloigne.Trouble.

J'ai traversé le Boulevard.Il m'a rattrapée : « Je suis désolé de vous dire ça mais vous êtes très belle».
Il m'invite à boire un café.J'ai souri. Puis j'ai ri : «Désolée, j'ai rendez-vous, je suis pressée».

Un autre regard.
Silence.
Fuck.On va le prendre ce café.

Il est grand, mince. Maigre? Une besace chocolat, vieillie, en bandoulière. Des jeans. Une veste militaire. Sur l'épaule, une croix ou bien peut-être une tête. De mort. Le cheveu brun, la frange qui glisse sur l'œil. Des yeux bleus pâles encadrés par une armature noire. Le nez long, fin, dessiné.
Ses lèvres.
On s'observe.

Il écrit. Un roman déjà. Et puis un autre. Il parle avec parcimonie, douceur.
Je calque son langage.Il me parlera de l'économie des mots, du danger de l'ornement dans l'écriture, de la facilité des figures de style. De la fragilité des ressentis. D'auteurs que je connais, d'autres que j'ignorais. De l'instant, de cet instant où tout bascule. Point break. Des facteurs qui plongent un individu hors normalité.

C'est quoi la normalité?

De synopsis, du squelette d'une histoire. De la difficulté à laisser son personnage évoluer indépendamment de soi.

Plages de silence. Nous sommes des funambules.
Comment je te retrouve?Magwann.Cherche Magwann.Sourire.Je m'échappe vers la bouche de métro.

Et soudain cette pression sur mon bras. Un volte-face.Un baiser. Il m'a volé un baiser tendre, furtif, délicieux.
«Je suis désolé de tout gâcher mais j'en avais très envie».Puis, il s'est échappé à jamais.

Un éclat de rire, un éclat de folie, un éclat de vie.
Ce texto à une amie: «J'aime la vie!>».

Rideau. Métro.

Je retrouve l'ami. Tout est tellement précis, à sa place, en ordre chez lui. Le temps se fige. Des partitions, des livres, de la musique. Il chante l'opéra, c'est ce que j'aime chez lui.
Parfois il m'invite là-bas, à l'opéra. Et je pleure.
Tiens, le piano a disparu.
Vin rouge.

Ce soir il lit Prima Donna.
Il me dit que j'ai pris du poids et qu'il adore ça.
J'enrage. C'est moi ta Prima Donna: égocentrique, déraisonnable, irritable, vaniteuse.

Peux-tu te passer de moi?
Je ne t'aime pas.
Parce que tu me trouves belle et que tu m'aimes, je ne t'aime pas.



Je veux dormir chez toi. Sans toi.
(Voix posée sur "In a Beautiful Place out in the country" de Boards of Canada).

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