jeudi

Le réparateur

Ou comment revisiter les meilleurs moments de la bibliothèque rose à Montréal...

Il y a une quinzaine de jours, la daube qui me sert d'ordinateur s'est à nouveau enraillée. Lasse d'avoir booté et rebooté la bête sans succès, je me résigne à faire appel à un réparateur.
Le gars au téléphone a une voix grave et chaude. Rendez-vous est pris pour le lendemain.

Je m'impatiente, le gars a du retard. Je déteste attendre. Je rappelle le bonhomme, un brin agacée. Il me répond qu'il vient d'arriver. Je jette un rapide coup d'œil par la fenêtre et aperçois dans la rue... une bombe atomique. Pas moins.

Je cligne des yeux façon cartoon et me retourne en crash test contre le mur, sueur au front, priant le Dieu du Toblerone que cette divine apparition ne vienne pas sonner chez moi.C'est quoi ce plan foireux hein? CA RESSEMBLE JAMAIS A ÇA UN RÉPARATEUR! Un réparateur c'est bedonnant, avec une grosse moustache et les joues minées par la couperose, nan? Ah ben nan.

Dring dring.

Je prends une bouffée d'hormone, heu non, pardon, d'AIR, et j'arrache, non, pardon, j'OUVRE la porte avec mon sourire number five ( juste après le sourire number 4 qui dit " Je vais être trèèèèès aimable et trèèèès coopérative " et avant le number 6 qui dit : " Toi, TRÈS bon miam miam! ").


Fracture de l'œil droit.
Un silence. Le genre de moment où vous savez d'instinct qu'il se passe quelque chose de hot, de très très hot. On s'observe comme deux poules qu'auraient trouvé un pass navigo. On bafouille comme deux nigauds et j'ai la sensation étrange d'avoir basculé dans un épisode touche pipi d' M6. A ce moment là de l'affaire, je passe en Protocole d'urgence: ne pas paniquer, rester calme, (haleter), ventiler, et surtout, SURTOUT, éviter de glousser comme une dinde, ce qui en l'occurrence relève d'un effort contre nature chez moi. Sauf que, et COMME TOUJOURS dans ce genre de situation bien connue de mes services, je fais absolument tout ce qu'on ne doit JAMAIS faire : et vas-y que j'te fais des petits battements d'ailes, brassant l'air soudainement devenu torride, tout en accompagnant ce spectacle navrant de petits rires stridents, sans oublier les clignements d'œil intempestifs! Monstrueux... Le pire dans ces cas-là, c'est d'avoir pleinement conscience de son implacable bêtise sans pouvoir en contrôler la moindre miette. Bug intégral. Je me sens comme comme une ado en pleine bouffée hormonale. Tout pareil.Les boutons en moins.Une dinde sous champi aurait plus d'allure...


Nous voilà donc sur le pas de la porte. Première difficulté: les escaliers. J'avais oublié cette putain de rampe d'escalier! Toutes les femmes vous diront que monter un escalier devant un homme est soit un chemin de croix soit un orgasme narcissique intense selon la tenue des airbags arrières. Et là en l'occurrence, c'est plutôt modèle vintage année 77...Parfois faut savoir rester humble.

Alors ni une ni deux, je catapulte avec autorité le dindon sur la première marche .. et savoure la virile ascension du bestiau.

La pression monte: l'ordi se trouve dans ma chambre...Je regrette déjà d'avoir laissé tourner sur la platine ce bon vieux Anita O'Day...On aurait entendu gueulé " Le réparateur boot et reboot à domicile ", scène 1, 2éme prise, moteur! " que ça m'aurait pas étonnée....

Okay. Nous voilà donc dans ma chambre. Lui, assis face au bureau, moi, derrière lui, chastement assise sur mon lit, en mode anti open bar.
On commence à parler. Je ne sais pas pourquoi, mais d'un coup je me découvre un intérêt très prononcé pour la technique informatique! Trois heures d'une discussion assidue, ponctuée de rires et de regards appuyés. Un truc se passe, c'est certain. Hot stuff. Par moments je le surprends à m'observer dans le reflet de l'écran, nos regards se croisent, mes pattes se décroisent. Dorcellite aiguë. Je me traine de la chambre au salon comme une limace. Pipi culotte.

Trois heures de délicieux supplice. Il me pose des questions, passe ma vie au scanner et moi j'ai le bulot en happy hour! ( oui, je sais, c'est classieux). Il est français avec un petit accent du sud qui fait sauter mon champ de cigales déchaînées.

On en était là de nos petites affaires lorsque l'ordi se met miraculeusement à fonctionner ( saloperie de PC, autant dire que je l'avais oublié celui-là, et même qu'il aurait cramé sur place que j'aurais presque adoré...). Soupir.
J'en étais donc à me demander comment amorcer un prochain rendez-vous, passant en revue les possibles bugs nécessitant un ramonage, pardon, un DÉPANNAGE express, lorsque le gars me dit, un brin gêné (sisi, je l'ai bien senti!) :
"Tu verras, quand on vient ici, on n'en repart pas. D'ailleurs, moi et ma copine on a acheté un appart ici..."

End of the story.

Le plus difficile dans pareil cas, c'est de continuer à sourire poliment en mode Miss France, ravalant le tremblement des bajoues, et ce sans trahir un instant l'envie néandertale de fracasser une chaise ou deux en criant Capt'ain Fracassssssssssssseeeeeeeee !!!

Et lui de rajouter : "Appelle-moi dans la semaine pour me dire si ton ordi fonctionne bien, parce que dans mon métier, on m'appelle toujours en cas de problème, jamais pour me donner de bonnes nouvelles..."

3minutes 25 secondes. Pas plus. Catapulte-couloir-escalier-porte-palier.

Le pire, c'est que je l'ai effectivement rappelé...mon ordi a claqué le soir même... ;-)

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