jeudi

Une histoire de nombrils

Et une histoire de coqs aussi. Bestiaire humain.

Hier je voulais me nourrir de moi, en tête-à-tête avec ma chère solitude, bercée par la musique. Puis, il m'a invitée le musicien, avec les autres musiciens. Il rentrait de Cuba.

Sur le chemin, j'ai croisé le jeune Chinois devant sa boutique. Il chassait la neige devant chez lui. Tout sourire, il m'a dit:
- "Joyeux Noël!".
- "Je t'avais dit que je voulais rester seule ce soir, et puis..."

Je n'ai pas acheté de crève-poumons. Pas cette fois. Et je n'avais pas d'allumettes non plus sur moi.

Là-bas.
Le musicien. Il a cuisiné de la viande aux épices, un riz fleuri, la cardamome en parfum, les asperges vertes et puis une sauce aux fruits, rouges les fruits.
Il a aussi apporté du Rhum d'ailleurs. Il chante et fait danser ses mains sur les cordes de sa guitare. Il m'a dit: "Je pense beaucoup à toi".

Et puis ces deux autres vieux musiciens, violons chevillés au corps. Je les connais bien maintenant.
Et aussi ce clown magicien. Il me serre dans ses bras, respire le parfum dans mon cou. Je n'aime pas ça. Me touche pas. L'autre fois déjà, devant les autres, tu as levé le tissu qui couvre ma peau, pour un tour de magie,disais-tu. De mon nombril tu voulais faire jaillir la fumée.
Crispée. Affolée. Me touche pas. Je lui ai dit: "Lis le Miasme et la Jonquille".Lis ce qu'écrit Corbin, l'historien du sensible. Tout comme les parfums peuvent enivrer, il y a des distances symboliques à respecter. Il fait des tours de magie, vole mon bracelet en cuivre qui ne me quitte jamais, cramponné à mon poignet. Je ris.Habile.

En me serrant la taille, il m'a glissé:
-" Je sais qu'il y a un désir entre nous.."
-"Tu te trompes".Je me suis libérée de son étreinte poison. Clown, fais-moi rire mais ne pose pas tes mains sur moi.

Plus tard, les violons et les guitares se sont accordés, pour elle, pour toi, ma chère Louve, dans ta chambre en Belgique.Combat de coqs ici cette nuit, déploiement de plumes et de crêtes. Les Hommes sont Bêtes lorsqu'ils ont faim.Je vous vois parader devant la fille qui sent la fumée. Vous pouvez ranger vos violons. Je n'ai pas le cœur musical.

Étrange réveillon. Émouvant aussi.

J'ai aligné les rhums. Je suis restée avec le vieux violoneux. On a parlé jazz, blues, photos et comédies humaines tard dans la nuit. Bonne nuit, toi, qui n'as pas cherché mon lit.
Dangereuses les rues, la nuit, pour une fille qui prend l'alcool. Alors, j'ai dormi dans cette chambre, les violons comme compagnons.

6h32-6h32-6H32
six heures trente deux

Une sonnerie au loin.
Ma petite soeur, en larmes de pudeur, face à sa grande soeur:
" J'ai quelque chose à t'annoncer. Je vais être maman. En juillet".

Juillet.
Je n'aime plus juillet.

Je ne sais pas si j'ai pleuré, brouillard de Rhum. Je me suis rendormie.Je l'ai eu mon joli cadeau. Si beau. Si beau.

Et puis je suis partie, Space Oddity dans le cortex. Le sol des rues est gelé, je glisse, me rattrape.
Un bonheur immense teinté d'étrange mélancolie. Les larmes sucrées, salées, roulent en filet silencieux. De vie pour elle, de vide pour moi. Mon ventre est creux, mais j'ai la tête pleine à craquer, fœtus mal arrangé.

Cette nuit des musiciens et un clown magicien n'ont réussi à me voler qu'un bracelet en cuivre. La vie, elle, m'a pris une petite sœur pour me donner une femme, une mère.

Et j'emporte avec moi de belles mélodies.

Un jour il faudra bien que j'entre dans la danse. Ce ne sera pas pour une valse mais sur air disco avec des sursauts de blues.
Une nuit, je serai vieille, peut être. Alors, il m'arrivera sûrement d'espérer qu'un clown veuille encore découvrir mon nombril fripé et qu'il respire au creux de mes plis l'histoire aigre-douce d'une fille qui n'a pas su aimer. Capricieuse jeunesse. Arrogante existence, je n'arrive pas à te dompter.

Et Falling out of love de Mary Gauthier.
Falling out of love is a dangerous thing. I am flesh and blood, and my body hurts.Trouver le cortex qui m'électrise. Le reste n'est que chair et sang.

J'ai songé, tout ceci, au final, se résume à une histoire de nombrils:
Un nombril qui donne la vie.
Un autre qui se cache.
Ce même autre qui n'en finit pas de tourner en périphérie de lui-même, sans parvenir à trouver son cordon ombilical.

Le temps des cigales s'achève. Emportée la chère solitude de mes nuits.Demain, il faudra que je cours à nouveau les agences pour nourrir le porte-monnaie.

Impermanence.

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